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Carnet de voyage : Antarctique |
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Histoire de penguins - 08/01/2005
Bonjour à tous!
Un mail sur l'Antarctique ne peut pas suffir à
raconter tout ce que l'on a pu ressentir pendant ces
deux semaines de croisière. Il fallait bien au moins
un mail pour raconter notre rencontre avec les
penguins.
Contrairement aux grandes étendues blanches de l'Arctique, l'Antarctique est très montagneuse. C'est
notre première surprise en arrivant : pas de doute, c'est véritablement un continent recouvert de glace! Les côtes sont pour la plupart des falaises, ce qui
explique les difficultés des explorateurs pour accéder
au continent. Et cela sans compter les glaciers
qui se jettent dans la mer, ni la banquise qui se forme
à une vitesse incroyable et qui a englouti plus d'un
bateau!
Nous sommes en été, de gros blocs se sont détachés et
la neige a fondu. Nous voyons donc beaucoup de roches
(pas de terre ici) et heureusement car sinon, nous ne
verrions pas d'animaux. La grande majorité vit en fait
dans l'eau et ne vient sur la terre ferme que pour se
reproduire ou changer de pelage.
Nous verrons peu de phoques et d'otaries, mais ils
nous laisseront quand même une grande impression,
surtout la terreur du coin : le léopard des mers avec
son sinistre sourire. Mieux vaut ne pas faire sa
rencontre dans l'eau, une scientifique a été tuée par
cet animal qui l'a emmenée à 75 mètres de profondeur. Plus sympathique, le phoque de Weddell, une vraie tête de Bibiphoque! Mais par contre, ce sont vraiment de gros tas de graisse, pas de doute en les voyant se
déplacer.
Mais pour tous les animaux ici, la graisse est
synonyme de survie contre le froid.
Nous connaîtrons les douces conditions d'été de bord
de mer entre - 3 degrés et 15 degrés (un vrai cagnard
pour les animaux ce jour-là), mais un peu plus dans
les terres et en hiver, c'est une autre histoire. Pour
se protéger du froid, il faut de la graisse. Pour les
phoques évidemment, mais aussi pour les penguins et
finalement, à y regarder de plus près, la vie de
penguins se résume à "faire de la graisse" :
- une premiere fois avant la période de reproduction
qui demande beaucoup d'énergie : entre faire le nid
(la plupart du temps en piquant les cailloux des
voisins), séduire sa belle, pondre et surtout nourrir
le petit à tour de rôle.
- une deuxième fois avant l'automne : les penguins
changent leur pelage et pendant 3 semaines, ils ne
peuvent pas aller se nourrir, donc il faut avoir des
réserves.
- et rebelotte pour l'année d'après.
Le plus fou des penguins est l'Empereur qui ne trouve
rien de mieux que d'habiter seulement en-dessous du
cercle polaire (trop chaud sinon!), de faire jusqu'à
100 kms à pied pour rejoindre sa colonie et de passer
l'hiver à couver son oeuf à -60 degrés!
Les autres penguins de l'Antarctique vivent en-dessus du cercle polaire et mènent une vie relativement monotone : aller pêcher pour faire du gras, aller pêcher pour avoir du poisson ou du krill à régurgiter pour les petits, aller pêcher pour résister à l'hiver, et aller pêcher. Et encore cette partie doit être la plus amusante, car les penguins, même si ce sont des
oiseaux, sont bien plus dans leur élément dans l'eau
que sur terre.
Il faut les voir marcher, sauter de pierre en pierre
avec leurs petites pattes, tomber, se remettre debout et continuer leur bonhomme de chemin. Car ils sont
laborieux, ces penguins, et ils n'hésitent pas à aller
se percher assez haut pour avoir une bonne place au
sec et sûre.
Au moment du retour, quelle cacophonie : pour s'y
retrouver au milieu de la colonie, chaque penguin a un
cri special que son conjoint et les petits
reconnaissent. Mais quand il y a plusieurs milliers de
penguins, je vous laisse imaginer combien de fois il
faut lancer son cri pour se faire reconnaître!!!
Les manchots sont très solitaires la plupart de l'année, mais pour la reproduction, ils se regroupent en colonie, les uns sur les autres. Mais n'allez pas
croire qu'ils s'apprécient. Chaque penguin défend son
nid et si l'un d'entre eux s'approche trop près, après
un cri d'avertissement, le penguin n'hésitera pas à
attaquer l'intrus, en le poursuivant et en le battant
avec ses ailes. Ils ne se regroupent que pour la
survie : il est plus facile de survivre en groupe que
tout seul.
Un de mes moments favoris restera de voir les manchots
sortir de l'eau : on les voit approcher de loin. En
effet, les manchots ne nagent pas sous l'eau bien
longtemps (ce ne sont pas des poissons!), car il faut
qu'ils respirent. Pour ne pas diminuer leur vitesse,
mais aussi pour échapper aux phoques, ils sautent
régulièrement hors de l'eau et changent de direction
brusquement. Arriver au bord de l'eau, il font un
grand saut pour essayer de se mettre sur leurs pattes
dès leur sortie de l'eau, mais généralement, ils
atterrissent sur le ventre. Ils se remettent debout et
... se reposent. Ils ouvrent leurs ailes et augmentent
la vascularisation pour se refroidir. Ils regardent
autour d'eux d'un air inquiet et tombent parfois sur
des touristes. Bon d'accord, ils gardent une distance
de sécurite, mais ne sont pas vraiment peureux, car
ils n'ont pas de prédateurs sur la terre ferme (les
phoques n'attaquent que dans l'eau). C'est pour cela
que l'on peut visiter les colonies sans vraiment les
déranger.
Un moment bien rigolo du moins pour les spactateurs, c'est la mise à l'eau. Chaque penguin descend de son nid quand il veut, mais pour se mettre à l'eau, il
attendra des copains. Et on les voit se demander "on y
va ou on y va pas?". Ils parcourent la plage en quête
du meilleur endroit pour s'immerger. C'est le seul
moment où il y aura un leader. Le plus courageux se
lancera et les autres suivront rapidement. Evidemment,
ce n'est pas parce qu'ils trouvent l'eau trop froide
qu'ils hésitent, c'est à cause des phoques qui les
savent vulnérables à ce moment.
Si les penguins adultes sont plutôt en sécurite sur la
terre ferme, il n'en est pas de même pour les petits.
Car les skuas sont là! Ce sont des rapaces et ils
doivent manger aussi. Leur régal : les oeufs de
manchots ou les bébés manchots. Pour cela, ils
profitent de parents inattentifs ou déploient leur
tactique qui marche quasiment à tous les coups : ils
viennent à deux autour d'un penguin. Pendant que l'un
divertit le penguin d'un côté, l'autre attrape le bébé
de l'autre. Le penguin a beau crier et ouvrir le bec,
il n'attaque pas. Quelques penguins autour essaieront
d'aider, mais ils ne doivent pas non plus abandonner
leur nid. Le pauvre petit est mangé vivant. C'est une
scène assez horible à voir. Mais ici, il faut
survivre.
Les petits l'apprennent vite et après quelques
semaines, ils commencent à être assez gros et assez
indépendants pour se défendre eux-mêmes et ne pas
compter seulement sur leurs parents. Car les petits
sont vraiment totalement dépendants. Les premières
semaines de leur vie, ils les passent dans les pattes
des parents, qui leur tiennent chaud et les nourissent.
La vie du petit se résume à crier et à demander à
manger. Quand il devient trop grand pour n'être
nourri que par un parent, les deux vont à la pêche.
Au retour, le petit a intérêt à bien crier et à bien
reconnaître le cri de ses parents, sinon, d'autres
petits se feront une joie de prendre son repas.
Nous avons vu presque tous les stades de développement
de penguins, car les différentes espèces ne se
reproduisent pas exactement la même semaine (on parle
en semaine, car en Antarctique, la fenêtre pour voir
des petits est assez étroite). Dans les Falklands, où
il fait plus chaud, les petits étaient déjà laissés en
colonie de petits pendant que les deux parents
allaient à la pêche, par contre, en Antarctique, où les
températures clémentes arrivent plus tard, certaines
espèces en étaient encore à couver, d'autres à avoir
des tous petits, d'autres avec des petits qui
commençaient à se promener autour du nid.
Quel penguin avons nous préféré? Les petits nous sont
apparus plein de vie et ils sont faciles à observer.
Les Adelie avec leur tête toute noire, les Rockhoppers
avec leurs yeux rouges assez effrayants, le Macaroni
un peu trop jaune, perdu dans la colonie d'Adelie, les
gentoos sûrement les plus bruyants que l'on ait vus et
les Chinstrap avec leur air détendu de soirée et les
plus grands voleurs de cailloux. Mais les King
Penguins seront nos préférés. Nous n'en avons pas vu
beaucoup, car ils préfèrent les eaux plus chaudes de
South Georgia, maia quelle allure! Nous les avons vus
trôner, restant sans bouger au milieu d'une colonie de
Gentoo très animée. De vrais rois, surtout avec leur
couleur orange!
Pendant les heures de traversée, des conférenciers
nous présentaient différents aspects de l'Antarctique,
sauf un qui nous racontait l'histoire des
explorateurs. Des histoires sont à dormir debout. Je
les verrais dans un film, je dirais "c'est n'importe
quoi, ce n'est pas possible". Mais non, elles sont
vraies. Les grands héros du continent sont Scott, l'Anglais qui a donné sa vie pour aller au pôle Sud,
mais surtout Shakelton, un grand meneur d'hommes, sans
grande réussite en terme de découverte du continent,
mais le récit de son retour à South Gorgia après que
son bateau ait coulé en Antarctique, coincé par les
glaces est sûrement l'histoire la plus incroyable que
je n'ai jamais entendue!
Essayons de ne pas oublier Amundsen, qui après tout, a
été le premier à atteindre le pôle Sud. Mais son
manque d'histoires terrifiantes le fait passer derrière
ceux qui ont échoué. Pourtant, à mes yeux, il reste le
plus méritant, car il n'a pas hésité à apprendre des
Unuits du pôle Nord comment survivre dans des
conditions extrêmes quand les autres partaient plus ou
moins n'importe comment...
Et sinon comment était la croisière? On mange trop
bien, de vrais petits plats midi et soir, plus buffet
le matin et gateau à 16H00. On prend des kilos! Rythme
assez soutenu, entre des réveils assez matinaux
parfois (6H00!) au son de "Good Morning Ladies and
Gentlemen. Outside air temperature is 3 degrees, water
temperature 1 degree. Beautiful day! Latitude 62 degrees south, longitude XX. Breakfeast is ready. have a good day!". Après 15 jours, on a envie d'égorger le mec!
Sinon, entre l'observation des oiseaux ou des icebergs,
les conférences, les siestes(!) et les sorties (2/jour
de 3-4 heures chacune), on n'a pas les temps de s'ennuyer. Nous qui croyions que nous allions nous reposer!
Les "glaçons" nous manquent. Voir des icebergs, c'était quelque chose que je ne pensais jamais voir qu'à la télé. Quel effet de les voir en vrai. Ils sont
toujours magnifiques: petits, grands, blancs, bleus,
avec des penguins dessus ou non, en mouvement ou
immobiles. Quelle magie! Et que dire des couchers de
soleil! Ils durent des heures et 3 heures après, on peut voir le lever de soleil. Voir la lune est aussi un
superbe spectacle, même s'il est un peu court en été
ici! On oublierait presque les températures un peu
frisquettes.
Tout ce rêve se nuance quand on regarde un peu plus
près ce que va devenir l'Antarctique. Aujourd'hui, c'est un continent qui n'appartient à personne, après un traité signé par des pays de bonne volonté. Mais
déjà, certains réclament le morceau, comme l'Argentine, le Chili et même l'Angleterre qui n'hésitent pas à déclarer la partie où ils ont leur base territoire national. Les enjeux sont énormes (eh oui, le sous-sol est riche) et aucune autorité n'est là
pour réglementer tout ça. La faune et la flore sont
tellement fragiles que l'on ne doute pas que l'exploitation du contiennt amènera rapidement leur
extinction.
Pour conclure, nous avons adoré et nous recommandons
à tout le monde. De la magie et des spectacles plein
les yeux. Des souvenirs pour des années.
A bientôt.
Lise et Nicolas.
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