Le
Coran et la Sunna
- Le Coran signifie récitation. Il incarne pour les musulmans
la Parole de Dieu transmise à Mohammed par lintermédiaire
de larchange Gabriel. Celui-ci lui annonce quil a été
choisi comme messager du Dieu des juifs et des chrétiens et quil
a été élu par Allah (Dieu en arabe) pour transmettre
la Révélation aux hommes.
* Constitué de 114 chapitres, ou sourates, classés par
ordre décroissant de longueur, le Coran est rédigé
en arabe. Son texte a dabord été transcrit par différents
disciples sur des omoplates de chameaux, des nervures de palmes et des
fragments de poteries. Sa version définitive a été
établie à Bagdad au Xe siècle.
* On distingue deux catégories de versets. Ceux écrits
à La Mecque, qui sadressent à tous les hommes et décrivent
une loi universelle. Et ceux écrits à Médine, qui
traitent, quant à eux, de questions juridiques et politiques.
- Le texte de la Sunna est un vaste
ensemble de récits, ou hadiths, qui contient les témoignages
des actes accomplis par le Prophète au cours de sa vie publique
et privée et ses paroles énoncées hors des moments
de la Révélation. La Sunna compile ces actes singuliers,
qui serviront de paradigme et de norme. Chaque instant de la vie de Mohammed
a, pour le musulman, valeur de modèle idéal dune vie
réglée en totale conformité sur la Parole et la Volonté
divine.
* Ces récits servent de fondement au fiqh,
la jurisprudence islamique, qui regroupe les affaires sociales et ce qui
concerne laspect cultuel. Le fiqh résulte du travail dadaptation
et dinterprétation des textes, appelé lijtihâd,
qui veut dire « faire leffort de ». Ce terme désigne
donc lactivité de réflexion et de raisonnement que
le juriste doit mettre en uvre, lorsque les règles énoncées
dans le Coran et la Sunna ne contiennent pas la réponse à
un problème juridique. Il sagit pour lui de formuler, en
labsence de textes de référence, une réglementation
qui s'accordera avec le contexte historique et géographique, aux
données politiques, économiques et sociales. Cette nouvelle
législation est donc élaborée dans le respect de
lesprit des deux sources fondamentales. Cette prégnance du
religieux dans le quotidien, le rapport noué entre la politique
et la religion sont difficiles à appréhender pour un occidental.
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Condition
de la femme (article
du Monde)
Que de traditions ainsi déviées et devenues discriminatoires
! Le droit a souvent perverti l'inspiration d'origine et aggravé
le déséquilibre de la lettre coranique. Mais il convient
de rappeler qu'une telle confusion entre la loi et la confession existe
aussi en... Israël ou dans la Grèce chrétienne, où
on ne peut se marier que devant le rabbin ou le pope !
- Libération de la femme :
La révélation de l'islam offre à la femme, pour la
première fois, la possibilité de rompre la chaîne
de l'esclavage, d'être considérée - devant Dieu -
comme l'égale de l'homme. Le prophète Mahomet (570-632)
interdit le meurtre des petites filles, ordonne au mari de subvenir aux
besoins de sa femme, crée pour la fille une part d'héritage
qui - même réduite à la moitié de celle de
son frère, qui a la charge des biens de famille - est, à
l'époque, un progrès inimaginable. Lors de ses exploits
spirituels et guerriers, Mahomet a toujours une femme à ses côtés.
Par amour ou alliance diplomatique pour élargir son royaume, il
en consommera... huit, après la mort de sa première épouse,
Khadidja, en 620. Au mont Hira, où Dieu lui dicte le Coran (602),
c'est Khadidja, une femme, qui est le premier témoin de la révélation
musulmane.
- Rôle d'épouse et mères
: Loin des traditions bibliques qui font porter à la
femme le poids du péché originel, l'islam lui prescrit donc,
dès le VIIe siècle, des égards d'une surprenante
modernité : Dieu est aux femmes autant qu'aux hommes. Deux cents
versets lui sont consacrés dans la quatrième sourate, précisément
intitulée "Les femmes". Les croyantes, autant que les
croyants, sont promises au même paradis éternel et au même
châtiment que les hommes si elles sont "hypocrites" ou
"idolâtres". Les préférées de Dieu
sont les mères : "Le paradis est sous le pied des mères",
dit un célèbre haddith du Prophète. Mais les épouses
et les enfants sont tous des "biens de ce monde", d'inestimables
cadeaux de Dieu. "Les femmes sont l'autre moitié de l'homme",
récite un haddith. Ou encore : "Le meilleur parmi vous est
le meilleur envers son épouse." Quel plus bel hommage, enfin,
que le verset 21 de la sourate Ar Rum, qui énonce : "Il est
parmi les signes de Dieu d'avoir créé de vous, et pour vous,
des épouses, afin que vous trouviez quiétude auprès
d'elles."
Bref, le Coran et la tradition (sunna) sont fascinés par le sexe
féminin. Mahomet n'a rien d'une figure ascétique et n'a
pas prêché, comme le Christ, une religion ascétique.
Si la faute et la culpabilité ne sont pas absentes de l'islam,
elles ne sont pas imputées à la première femme, Eve,
mais au Diable et à la capacité de l'homme à faire
le mal. Tout le texte coranique peut être lu, prié, médité
comme une louange au créateur, une ode à la beauté
de ses créatures. Et si, aujourd'hui, on ne retient de l'histoire
musulmane que l'extrême méfiance à l'égard
des femmes, une marginalisation sexiste juridiquement codifiée,
une persécution savamment orchestrée, on ne saurait oublier
l'autre face de l'islam : l'érotisme des Mille et Une Nuits, la
légitimité du plaisir et d'un désir infini, le raffinement
des jeux sexuels, le goût de la bonne chère, de l'argent
et des parfums.
Mais l'islam se révèle un mélange
confus de suavité extrême et de puritanisme absolu.
- Prééminence de l'homme :
Mais qu'une religion réformiste, exaltant l'ardeur sexuelle, soit
devenue prison pour les femmes reste l'un des principaux mystères
de l'islam. La raison fondamentale en est l'affirmation de la "prééminence"
de l'homme. Un seul écrit l'atteste, le verset consacré
à la répudiation dans la deuxième sourate : "Les
épouses ont pour elles des droits, semblables à ce qui leur
incombe. Les hommes ont cependant sur elles une prééminence.
Allah est puissant et sage." Tout un imaginaire machiste et paternaliste
est né, qui a ouvert la voie à la plupart des discriminations
et humiliations.
- Polygamie : Le Coran avait limité
à deux, trois ou quatre épouses le lien matrimonial (sourate
4, verset 3). Il s'agissait alors de mettre à l'abri du besoin
les femmes seules, répudiées ou les veuves, et l'équité
entre les femmes, sur les plans matériel et sexuel, y était
prescrite : "Si vous craignez de ne pas être équitable,
n'épousez qu'une seule femme."
- Le voile : A l'origine, le hidjab
désigne toute chose (tissu, mais aussi paravent ou arbre) qui empêche
de voir, c'est-à-dire qui délimite l'espace du public et
celui de l'intime. Le Coran le réserve aux épouses du prophète
et aux nouvelles croyantes pour les différencier de celles qui
ne sont pas encore converties.
* Les différents voiles :
Pourquoi est-il devenu une norme ? Le Coran demande aux femmes de "rabattre
le voile sur la gorge" (du mot arabe jouyoub, qui peut être
aussi traduit par décolleté) et il s'en tient là.
Bien des différences opposent le haïq
blanc (couleur sunnite), porté par les femmes maghrébines,
et le tchador noir (couleur chiite)
des musulmanes d'Asie centrale. Le hidjabdes
jeunes immigrées de banlieues anglaises ou françaises n'a
rien de commun non plus avec la carapace qui enveloppe le corps de la
femme afghane (burqa) ou saoudienne.
Mais le Coran n'arbitre nullement entre des modalités d'habillement
plus symboliques et culturelles que proprement religieuses.
* La pudeur : Ce qui est incontestable
en revanche, c'est la sacralisation de la pudeur. En islam, tout le corps
de la femme est awra, mot qu'on peut
traduire par "chose restant à découvrir", c'est-à-dire
ce qui est caché et touche aussi bien les parties génitales
du corps (de l'homme et de la femme) que la vie privée. Cette notion
capitale d'awra légitime et sanctifie la pudeur. Elle a été
très tôt codifiée. L'awra
et le hidjab délimitent les espaces du public et du privé,
de l'homme et de la femme. C'est une séparation sexuelle radicale,
imposée, normalisée, tellement intégrée dans
les mentalités que l'on n'explique pas autrement la répulsion
que provoque, chez beaucoup de femmes musulmanes, l'exposition de la nudité
chez la femme occidentale. Mais pour Wahiba Amiri-Afrit, ces notions de
"voile", de "pudeur" et de "nudité"
évoquent une "scansion" propre à l'islam, une
alternance de creux et de pleins, expression d'un érotisme qui
se veut art du désir. Une scansion qu'on retrouve aussi dans le
ramadan : privation diurne de nourritures et de relations sexuelles ;
fête nocturne, d'autant plus goûtée que le jeûne
alimentaire et sexuel aura été complet.
* Sexualité : Ainsi ne peut-on
comprendre le statut des femmes en islam sans examiner son rapport à
la sexualité. "Vos femmes sont pour vous un champ de labour.
Allez à votre champ comme vous le voudrez", dit crûment
le Coran (sourate 2, verset 223). Celui-ci codifie les préliminaires
de l'acte amoureux, recommande aux hommes "baisers et douces paroles"
plutôt que de "se jeter sur sa femme comme le font les bêtes".
Faire jouir sa femme est même un devoir pour le croyant et des dispositions
permettent à l'épouse d'obtenir le divorce en cas d'impuissance
du mari ou si celui-ci s'abstient de tout rapport sexuel pendant quatre
mois. L'islam a décomplexé la sexualité, condamné
le célibat, sacralisé le mariage.
* Répudiation : Mais s'il
n'y a pas de péché de chair, les relations sexuelles y sont
sévèrement contrôlées. L'islam établit
une distinction radicale entre l'union licite (nikah) et l'union illicite
(zina) ou adultère. Dans les temps préislamiques, il avait
combattu toutes les formes d'union libre, de zina, et institué
l'union licite, le mariage. Cela est resté ancré : dans
le droit islamique (charia), l'auteur d'un adultère est puni jusqu'à
la lapidation. De même, la "répudiation" ne peut-elle
intervenir que dans le cadre de l'union licite. Elle repose sur la fameuse
formule bi'l-haram, que le mari doit répéter trois fois
pour que la répudiation devienne définitive. Pour le prophète,
il s'agissait de permettre à l'homme de réfléchir,
revenir sur sa décision et, même s'il a prononcé trois
fois la formule, de retrouver sa femme. On sait ce qu'il en est advenu.
La répudiation est devenue parfois un moyen commode, pour un mari
irascible, de décider du renvoi de son épouse.
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